Les personnes chargées de la gestion d’une société commerciale (administrateurs, gérants, directeurs, organes de fait) occupent une position qui a pour corolaire de leur imposer le respect de certains devoirs prévus par la loi (Code des obligations ; CO), dont le contenu a été précisé par la pratique des tribunaux (jurisprudence). Ces devoirs sont pour l’essentiel identiques s’agissant des deux types de sociétés commerciales les plus répandus en Suisse, à savoir la société anonyme et la société à responsabilité limitée.
L’administrateur, respectivement le gérant, et les directeurs sont ainsi tenus d’exercer leurs attributions avec toute la diligence nécessaire (devoir de diligence) et de veiller fidèlement aux intérêts de la société (devoir de fidélité) (art. 717 al. 1 CO pour la société anonyme ; art. 812 al. 1 CO pour la société à responsabilité limitée). Ils doivent en outre traiter de la même manière les actionnaires ou les associés qui se trouvent dans la même situation (devoir d’égalité de traitement) (art. 717 al. 2 CO pour la société anonyme ; art. 813 CO pour la société à responsabilité limitée). Ces devoirs s’imposent également aux personnes qui, sans être formellement organes de la société, exercent dans les faits une influence décisive sur les décisions de celle-ci (organes de fait ; il peut par exemple s’agir d’un actionnaire majoritaire, voire même, à certaines conditions restrictives, d’un créancier).
Une violation de ces devoirs peut engager la responsabilité de son auteur, et induire pour celui-ci une obligation de réparer le dommage causé à la société, à un actionnaire / associé ou à un créancier (art. 754 CO pour la société anonyme, auquel renvoie l’art. 827 CO s’agissant de la société à responsabilité limitée).
Les conditions de la responsabilité sont les suivantes :
• Violation d’un devoir par l’administrateur ou le gérant, ou par une personne chargée de la gestion ou de la liquidation de la société (cf. art. 754 al. 1 CO) : par devoir, il faut entendre en particulier les devoirs énumérés ci-dessus, à savoir le devoir de diligence, le devoir de fidélité et (bien que plus rarement) le devoir d’égalité de traitement. La loi ne limite toutefois pas la responsabilité à la violation de l’un de ces devoirs, et une mise en cause est envisageable en cas de violation d’autres obligations incombant aux personnes chargées de la gestion (même si, généralement, ces obligations pourront généralement être rattachées à l’un des devoirs généraux précités, en particulier le devoir de diligence et le devoir de fidélité) ;
• Dommage : la responsabilité d’une personne chargée de la gestion suppose que la violation de ses devoirs a causé un dommage à la société, à un actionnaire ou à un créancier de la société. Conformément à la définition générale du dommage en droit suisse, il correspond à la différence entre l’état actuel du patrimoine du lésé et l’état qui serait le sien si la violation d’un devoir, telle qu’évoquée ci-dessus, n’avait pas été commise. Il peut s’agir d’une diminution ou non-augmentation de l’actif, d’une part, ou d’une augmentation ou non-diminution du passif, d’autre part ;
• Faute : l’organe recherché ne pourra être tenu responsable du dommage causé que si le comportement qui lui est reproché est fautif. La faute peut résulter tant d’un comportement actif que d’une omission, et s’analyse selon des standards de comportement objectivés. Concrètement, un comportement sera considéré comme fautif s’il ne correspond pas à celui qu’aurait adopté une personne consciencieuse et raisonnable occupant la même fonction et placée dans les mêmes circonstances. La faute n’est pas présumée, et c’est donc au lésé qu’il revient de prouver l’existence d’une faute commise par l’organe mis en cause.
• Causalité : la violation fautive d’un devoir doit encore apparaître comme constituant la cause naturelle et adéquate du dommage dont le lésé réclame réparation. Déterminer si un lien de causalité naturelle existe revient à se demander si le dommage serait ou non survenu sans la violation fautive du devoir. Quant à la causalité adéquate, il s’agit d’un concept juridique qui consiste à rechercher si la violation en cause est propre, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit.
La loi prévoit un allègement de la responsabilité du conseil d’administration ou des gérants lorsque ceux-ci ont valablement, et de manière licite, délégué une ou des tâche(s) à un autre organe. Dans un tel cas, le conseil d’administration ou les gérants ne répondent du dommage causé par l’organe en question que s’il n’a pas été choisi, instruit et surveillé avec le soin commandé par les circonstances (art. 754 al. 2 CO). Pour que cet allègement en cas de délégation s’applique, la délégation doit avoir été mise en œuvre conformément à la loi, sur le plan formel et matériel.
Le risque de responsabilité supporté par les personnes en charge de la gestion et de l’administration de la société peut être couvert, dans une certaine mesure, par la conclusion d’un contrat d’assurance au bénéfice des organes dirigeants. En pratique, la nécessité d’attirer les meilleurs talents pour occuper des postes à responsabilité a également conduit au développement d’engagements, pris soit par la société elle-même, soit par un actionnaire (généralement l’actionnaire unique ou majoritaire), de prendre en charge les conséquences financières d’une action en responsabilité. Ce type d’engagement, qui permet également de couvrir le risque de responsabilité, est valable dans certaines limites.
Lorsqu’un litige survient en lien avec une violation par un organe dirigeant de ses devoirs, ou que les signes annonciateurs d’un tel litige sont décelés, il est important de circonscrire rapidement la problématique et d’identifier les enjeux, tant commerciaux et opérationnels que réputationnels pour l’entreprise. Cette analyse nécessite d’avoir une compréhension étendue du fonctionnement de la société concernée, de sa structure organisationnelle, et de son modèle d’affaires.
Les aspects purement procéduraux devront également être rapidement pris en compte, qui impliqueront généralement d’identifier les éléments de preuve pertinents et d’en assurer la conservation en vue d’un potentiel procès.
Les règles applicables en matière d’actions en responsabilité sont complexes, notamment en ce qui concerne la détermination de la personne disposant de la qualité pour réclamer la réparation du dommage allégué (hors faillite, il s’agit généralement de la société, à moins qu’un actionnaire ou créancier puisse se prévaloir d’avoir subi un dommage direct, c’est-à-dire qui ne résulte pas uniquement du dommage subi par la société ; une fois la faillite prononcée, le droit d’action des actionnaires et des créanciers est reconnu). Une prise en compte adéquate de ces aspects suppose un examen circonstancié de la situation et une parfaite maîtrise des règles procédurales et matérielles.
L’étude THEVOZ & Partners dispose d’une expérience reconnue dans le cadre de situations de crise et de litiges impliquant la mise en cause d’organes dirigeants de sociétés commerciales.
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